Au cours de ses recherches, le généalogiste, qu’il soit amateur ou professionnel, tombe parfois, par hasard, sur des cas particuliers. Qu’elles soient amusantes, joyeuses, tristes ou qu’elles finissent mal, ces histoires nous rappellent une chose : en deux siècles, certains fléaux de la société persistent encore aujourd’hui. Ce parcours de vie, celui d’Eugène Ferdinand BAROUX, instituteur, est reconstitué à partir d’archives incontournables pour le professionnel : l’état-civil, les archives professionnelles et judiciaires.
Quelques années dans le Pas-de-Calais, puis le Loiret
C’est dans les derniers mois du XVIIIème siècle, dans le Nord de la France, que notre protagoniste vient au monde. Eugène Ferdinand BAROUX nait le mardi 14 mai 1800 (24 floréal an VIII) à Martinpuich, un petit village du Pas-de-Calais. Ses parents sont Philippe BAROUX, marchand de vin, également natif de Martinpuich, et Charlotte PURÉ, originaire de Laon, dans l’Aisne. Le père de famille semble être un homme cultivé : fils d’un maître chirurgien, il était semble-t-il doté d’une grande connaissance religieuse. C’est d’ailleurs certainement le climat révolutionnaire ambiant qui l’a poussé à quitter les ordres et à rejoindre l’instruction publique.
Eugène ne passe que très peu de temps dans le Nord de la France, puisque son père est nommé instituteur dans le village de Ferrières-en-Gâtinais, vers 1804. La famille rejoint alors le département du Loiret et va s’y implanter durablement. D’ailleurs, son oncle et sa future tante vivent déjà dans la région : il s’agit de Jean-Baptiste BAROUX et de Marie Madeleine JOBERT (mariés le 15 juillet 1805 à Montargis).
Eugène semble passer sa jeunesse à Ferrières. En tous cas, son père y exerce toujours en 1820, tandis qu’Eugène fait son service militaire. Puis, il fait la rencontre d’une lingère de son village, Victoire Eugénie NORET. Il épouse cette ferriéroise le 25 octobre 1821, fille de Jean-Pierre NORET, serrurier et de Marie Anne Sophie CAPDEVILLE.
Monsieur BAROUX, un instituteur en devenir
Instituteur, comme son père
Le jeune homme est, lors de son mariage, employé en tant que tanneur. Il faut dire que cette activité florissante depuis des siècles, fait la renommée de la ville ! Les cuirs qui sortent de ces ateliers se vendent dans tout le royaume. Mais l’ambition d’Eugène est claire : suivre les pas de son père, et devenir lui-même instituteur !
Cette même année 1821 marque un tournant décisif dans sa carrière, puisqu’il est accepté par l’Académie d’Orléans pour candidater au brevet de capacité du troisième degré. Pour s’inscrire, il lui faut impérativement un certificat de bonne conduite de la part du curé de Ferrières. Monsieur MIDAVOINE s’en charge et atteste par écrit que son paroissien est de bonne vie et mœurs.
Le même jour, l’adjoint au maire de Ferrières, Monsieur BÉNARD, fournit un certificat supplémentaire, dans lequel il confirme que BAROUX possède « les qualités nécessaires pour devenir instituteur ». Ces certificats, dont la légitimité et la véracité pourraient être facilement contestées aujourd’hui, étaient indispensables à l’époque pour candidater à bon nombre d’emplois. Malheureusement, ils ne nous en apprennent pas beaucoup plus sur la vie d’Eugène BAROUX.
Certificat pour candidat instituteur Je certifie à tous qu’il appartiendra que le Sieur Eugène Ferdinand BARROUX mon paroissien, âgé de 21 ans, marié depuis peu de temps, fils du Sieur BARROUX instituteur à Ferrières depuis longtemps, est de bonne vie et mœurs, et qu’il ne m’est jamais parvenu aucune plainte sur sa conduite et sa moralité, en foi de quoi j’ai délivré le présent certificat pour lui servir et valoir ce que de raison. A ferrières, le 1er novembre 1821 MIDAVOINE, curé de Ferrières Président du comité cantonal de l’instruction publique
Le brevet de capacité
Au début du mois de décembre 1821, Eugène doit parcourir une quinzaine de kilomètres afin de se rendre à Montargis. Sa demande de candidature ayant été acceptée, il doit maintenant passer le brevet de capacité, précieux sésame pour instruire la jeunesse. Le vendredi 7 décembre, le fils d’instituteur doit prouver qu’il peut suivre les traces de son père ! Ce jour-là, il a très certainement ressenti le même stress, la même peur que celle que nous ressentons pour nos concours et examens actuels.
Il planche alors, la journée durant, sur des disciplines touchant à la religion, la lecture, l’écriture, le calcul et les méthodes d’enseignement. Ce n’est pas vraiment une réussite pour Eugène, qui obtient des résultats contrastés : ses connaissances religieuses, notamment sur l’Ancien et le Nouveau Testament, sont jugées « faibles », mais il connaît suffisamment le catéchisme diocésain pour l’enseigner. En revanche, il obtient de « très bonnes notes » en lecture, tant sur des imprimés français et latins que sur des manuscrits français. Ses compétences en écriture sont plus nuancées : « assez bien » pour les majuscules cursives et les minuscules rondes ordinaires, « fort bien » pour les minuscules rondes ordinaires, et « passablement » pour les majuscules rondes. En calcul, il s’en sort « plutôt bien » en théorie et en pratique du système décimal et des mesures.

Résultat des examens d’Eugène Ferdinand BAROUX en 1821 – Archives Départementales du Loiret, cote 1T/118
Malgré cette réussite en demi-teinte, Monsieur De Bouvier, Marquis de Cepoy, l’autorise à enseigner, en lui décernant le brevet de capacité de troisième degré. Il s’agit du plus bas échelon pour un instituteur. L’examinateur a certainement pensé à toutes ces écoles vacantes dans la région, qui n’attendent qu’un instituteur pour rouvrir. Il a cependant conclu le procès-verbal en soulignant la nécessité pour le candidat de continuer à travailler pour combler certaines lacunes, tout en mentionnant les bons certificats du curé et du maire.

Résultat des examens d’Eugène Ferdinand BAROUX en 1821 – Archives Départementales du Loiret, cote 1T/118
Nous examinateur, après avoir fait subir au Sieur Ferdinand BAROUX l'examen qui précède, et nous être assuré de la bonne réputation dont il jouit sous le rapport de la religion, des moeurs et de la conduite en général, proposons d'accorder au sieur BAROUX le brevet de capacités du troisième degré En foi de quoi nous avons signé le présent procès-verbal à Montargis le 7 décembre 1821 DE BOUVIER, Marquis de Cepoy Le postulant demande à execer ses fonctions d'instituteur primaire dans la commune de La Selle sur le Bied, canton de Courtenay
Mener de front une carrière d’instituteur et la vie de famille
Une première école, à La-Selle-sur-le-Bied (1821-1827)
Eugène BAROUX prend alors le poste d’instituteur dans le village de La-Selle-sur-le-Bied, à quelques kilomètres de Ferrières. Il va y remplacer Monsieur HASSENET ayant quitté cette école quatre mois plus tôt pour rejoindre le département voisin de l’Yonne.
Le 10 avril 1822, la famille BAROUX s’agrandit, avec l’arrivée d’un premier enfant. Eugène, tout jeune père de famille pour la première fois, se présente à la mairie de La-Selle-sur-le-Bied, afin de présenter son fils au maire. L’enfant se prénomme Louis Emile.
Le 19 octobre 1822, il est officiellement autorisé par l’Académie d’Orléans à enseigner dans l’école de La-Selle-sur-le-Bied. Il y reste cinq années. C’est pendant cette période que nait son deuxième fils, Eugène Ferdinand Jean Baptiste BAROUX, le 15 mars 1825.
L’instituteur quitte l’école de La-Selle-sur-le-Bied en 1827. Le curé de Courtenay, Monsieur BERARD et le prêtre BLANCHARD de la paroisse de La-Selle-sur-le-Bied certifient encore une fois que l’instituteur s’est toujours bien comporté et a rempli ses devoirs religieux et civils. Je n’ai pas trouvé aux archives, la raison qui a motivé son départ. Mais ces certificats de bonne conduite peuvent nous indiquer qu’il s’agit d’un choix personnel.

Certificat du prêtre Blanchard de La-Selle-sur-le-Bied – Archives Départementales du Loiret, cote 1T/118
Je soussigné prêtre desservant de la paroisse de la Selle Sur le Bied, certifie de tous ceux qu’il appartiendra que le Sieur Ferdinand BAROUX, instituteur dans cette paroisse depuis Cinq ans, s’est toujours bien comporté tant civilement que Religieusement, en foi de quoi je lui ai délivré le présent La Selle sur Le Bied, le 18 novembre 1826 BLANCHARD
Instituteur, une situation précaire (1827-1830)
Durant l’année 1827, Eugène BAROUX quitte la campagne et part s’installer à la ville. Il rejoint Montargis avec sa femme Victoire et leurs deux fils, âgés de deux et cinq ans. L’instituteur quitte les bancs de l’école pour la filature de coton des frères PÉRIER. Engagé comme chef d’atelier, il obtient ainsi un meilleur salaire que dans l’instruction primaire. Pendant cette parenthèse montargoise, un autre bonheur familial arrive. C’est la naissance de leur première fille, Pauline Victoire, qui vient au monde le 20 juin 1829.
Depuis la Révolution, la situation des instituteurs n’a guère changé. Leur traitement annuel n’est guère suffisant pour faire vivre une famille décemment. Beaucoup se retrouvent dans des situations très précaires. D’autant plus que l’achat du matériel scolaire, ainsi que le chauffage et l’entretien de la salle de classe sont à leur charge. L’instituteur est alors amené à accepter toujours plus d’élèves, et ainsi dégrader les conditions de l’instruction qu’il tente de leur apporter.
A partir de 1833, la loi GUIZOT va, entre autres, introduire les prémices d’un système scolaire public. La loi instaure aussi un traitement annuel minimal pour les instituteurs, ainsi qu’un logement, à la charge des communes.
L’instituteur choisit d’enseigner ailleurs, différemment (1830-1845)
Le décès du père, un déclic
L’année 1830 est une année charnière pour Eugène. Son père, Philippe BAROUX, instituteur au collège de Ferrières décède le 25 août. Peut-être est-ce la raison pour laquelle Eugène revient à l’enseignement. Son brevet de capacité du troisième degré ne lui permet pas de faire vivre sa famille décemment. Il tente alors sa chance pour le diplôme du second degré. Il obtient de nouveaux certificats du maire et du curé de Ferrières, attestant de ses bonne vie et mœurs, et de son instruction religieuse suffisante.
Le vendredi 29 octobre, rendez-vous lui est donné, pour passer un examen à Montargis. Ses résultats sont excellents en lecture et ses méthodes d’enseignement, notamment l’utilisation de la « nouvelle méthode » de l’école mutuelle, sont jugées bonnes. Ses connaissances en calcul sont maîtrisées, avec une seule mention « passable » pour les mesures anciennes et actuelles. Il maîtrise également les règles et les principes de la grammaire française. Ces notes, bien meilleures, lui ouvrent les portes du collège d’enseignement mutuel de Ferrières. Il remplace donc son père, à sa demande et avec l’appui du maire de la ville. La famille BAROUX – NORET quitte Montargis pour vivre à Ferrières.

Procès-verbal de l’examen du brevet de capacité du 3ème degré, le 29 octobre 1830 – Archives Départementales du Loiret, cote 1T/118
Deux ans après leur arrivée à Ferrière, la petite Cécile Eugénie vient au monde. Elle nait le mardi 17 juillet 1832 à vingt-trois heures, dans la maison familiale. L’instituteur, alors âgé de trente-deux ans, se présente à la mairie le lendemain matin, pour déclarer sa naissance.
De faibles revenus, une famille qui s’agrandit
Dans le courant de l’année suivante, le 3 juin 1833, Eugène BAROUX écrit au recteur académique pour se plaindre de sa situation matérielle. Il explique dans ce courrier qu’il exerce à Ferrières depuis trois ans, succédant à son père qui y avait enseigné pendant vingt-cinq ans. Contrairement à son paternel, il ne reçoit aucune indemnité de logement, ce qui le met en difficulté pour subvenir aux besoins de sa femme et de ses enfants. Il demande une allocation de quarante francs, comme certains de ses collègues des environs, et s’enquiert des postes disponibles ailleurs.
Deux autres naissances viennent ponctuer la vie d’Eugène BAROUX et de Victoire NORET à Ferrières. Lucien Théodule Aristide BAROUX nait le samedi 17 octobre 1840. Paulin Donatien Hippolyte Alphonse BAROUX naît, quant à lui, trois ans plus tard, le lundi 23 octobre 1843.
Malgré ses maigres revenus d’instituteur, Eugène BAROUX parvient à épargner un peu d’argent. Des bulletins de situation, émanant de la Caisse d’Epargne et de Prévoyance, établie en faveur des instituteurs primaires communaux montrent qu’en 1843, Eugène possède 101,27 francs d’épargne. Cette somme passe même à 108,34 francs l’année suivante.

Bulletin de situation, à la Caisse d’Epargne et de prévoyance – Archives Départementales du Loiret, cote 1T/118
Le 1er juin 1845, il remet au maire de Ferrières sa démission du poste d’instituteur de la commune, qui la transmet au comité communal. Elle est acceptée le 6 juillet 1845. Il aura passé quinze années de sa vie à instruire les jeunes ferriérois et ferriéroises.
A la recherche de meilleures conditions de vie ailleurs
L’instituteur trouve une place à Pers (1845 – ≈ 1852)
En 1848, Eugène est instituteur dans le village voisin de Pers. Son salaire ne lui permet toujours pas de subvenir aux besoins de sa famille. Mais il a l’opportunité de cumuler les fonctions de secrétaire de mairie (pour un salaire annuel de 25 francs) et de chantre. Il y exerce son métier d’instituteur au moins jusqu’en août 1850.
Il n’est pas rare de voir les instituteurs cumuler plusieurs fonctions dans les villages. Leur belle écriture leur ouvrait parfois les portes du secrétariat de mairie. D’autres deviennent chantre, sonneur de cloche, ou bien mettent leurs connaissances à profit pour travailler dans des bureaux (plutôt dans les villes).
Une dernière école, celle de Bray (≈ 1852- 1860)
La famille BAROUX quitte le Gâtinais, région dans laquelle ils ont vécu presque toute leur vie, et où ils ont élevé leurs enfants, et instruit ceux des autres. Le couple gagne le Giennois, où ils sont recensés dans le village de Bray en 1856 (commune devenue Bray-en-Val en 1933).
Eugène Ferdinand, alors âgé de cinquante-cinq ans, exerce toujours son métier d’instituteur. Le recensement indique qu’il vit avec sa femme, Victoire NORET, cinquante-quatre ans, et leur fils cadet, Alphonse, alors âgé de treize ans.
Sa condition d’instituteur ne s’améliorant pas, il demande un secours (une sorte d’aide financière) qu’il revient à l’Etat ou à la commune de lui accorder. Le 24 avril 1856, le Ministère de l’Instruction Publique et des Cultes accepte de lui verser « exceptionnellement » une somme de cinquante francs.

Lettre du Ministère de l’Instruction Publique, accordant un secours de 50 francs – Archives Départementales du Loiret – cote 1T/118
Monsieur le Préfet, j'ai examiné la proposition que vous m'avez adressée le 10 de ce mois concernant le Sieur BAROUX Eugène Ferdinand, instituteur public de la commune de Bray. J'ai l'honneur de vous annoncer que tenant compte des considérations apposées dans votre rapport, j'ai accordé exceptionnellement à ce maître un secours de 50 francs, sur les fonds généraux de l'instruction primaire, chapitre 12, article 2, paragraphe 2 du budget, exercice 1856. Je vous enverrai prochainement une ordonnance de délagation pour le paiement de cette somme. Vous voudrez bien donner avis au Sieur BAROUX de la décision qui le concerne. Recevez, Monsieur le Préfet, l'assurance de ma considération très distinguée. Le Ministre de l'Instruction Publique et des Cultes. Pour le Ministre et par son ordre: Le Chef de la troisième division
Les traces de la carrière d’Eugène Ferdinand BAROUX s’arrêtent là. Son dossier d’instituteur, aux Archives Départementales du Loiret, ne me donne pas plus d’informations sur la suite de sa carrière. Cependant, l’état civil prend le relais et me permet de continuer à retracer la vie de cet homme.
Un de ses fils, Eugène, se marie avec Augustine DUMONT, le 11 juillet 1868 à Gentilly, dans le département de la Seine (actuel Val-de-Marne, 94). Le père de l’époux, notre instituteur, n’est pas présent au mariage de son fils. Et pour cause, le maire précise sur l’acte de mariage que « Eugène Ferdinand BAROUX, âgé de soixante-huit ans, instituteur primaire ayant encouru l’interdiction légale au terme d’un arrêt de la cour impériale d’Orléans rendu par la cour d’assises en date 5 juillet 1860 ».
Comprenons ici qu’Eugène Ferdinand BAROUX a eu de sérieux démêlés avec la justice, et qu’il a été condamné. Un rebondissement auquel je ne m’attendais pas, lorsque j’ai reconstitué le parcours de vie et sans « accroc » de l’instituteur.
L’instituteur déchu par la justice
L’inculpation, la maison d’Arrêt à Gien
Eugène Ferdinand BAROUX est inculpé d’attentat à la pudeur, consommé sans violence sur des enfants âgés de moins de onze ans, écoliers dans son école. Il est arrêté le premier mai 1860, et incarcéré à la maison de justice de Gien dès le lendemain, à la demande du juge d’instruction de Gien, Monsieur DELALANDE. Cette incarcération marque pour lui la fin de sa vie d’instituteur. La suite, pour lui, se résume en une succession de décisions sur lesquelles il n’a aucun pouvoir.
A son arrivée à la maison d’arrêt de Gien, il est interrogé par les gendarmes. L’occasion également de prendre le signalement du détenu: âgé de soixante ans, il mesure un mètre soixante-quinze. Il a les cheveux et les sourcins grisonnant, une barbe brune recouvre son visage maigre et son menton rond. Ses yeux gris contrastent avec son teint coloré. Son nez est gros, et sa bouche moyenne.
Le jour de son incarcération, il porte une blouse bleue, un palteau et un pantalon gris en coton. Une casquette en drap noir vissée sur la tête, une chemise de coton, des souliers et une cravate de soie noire.

Registre d’écrou de la maison de justice de Gien page 1 – Archives Départementales du Loiret, cote 253W GF 4237

Registre d’écrou de la maison de justice de Gien page 2 – Archives Départementales du Loiret, cote 253W GF 4237
Le transfert de l’accusé vers la prison Orléans
Après un mois et demi derrière les barreaux à la prison de Gien, Eugène Ferdinand BAROUX est transféré à la maison d’arrêt d’Orléans, où se prépare son procès aux Assises. Le transfert a lieu le 15 juin 1860.
Lors de son arrivée à la maison d’arrêt, il est inscrit sur les registres d’écrou. Le concierge note que le prisonnier possède un tatouage sur l’avant-bras droit, représentant deux cœurs percés d’un glaive, avec les initiales E.F.B et l’année 1820. Cette année là, Eugène Ferdinand BAROUX a passé son service militaire.

Registre d’écrou de la maison prison d’Orléans – Archives Départementales du Loiret, cote 253W GF 4139

Registre d’écrou de la maison prison d’Orléans – Archives Départementales du Loiret, cote 253W GF 4139
Son jugement aux Assises d’Orléans
Le procès d’Eugène Ferdinand BAROUX, devant la Cour d’Assises du Loiret, a lieu le jeudi 5 juillet 1860. L’instituteur est déclaré coupable d’attentat à la pudeur sans violence sur des filles âgées de moins de onze ans. Il n’est pas possible de retrouver plus d’informations sur la tenue du procès : peu d’archives de la Cour d’Assises du Loiret ont survécu à l’incendie des Archives Départementales du Loiret de 1940.
Etant donné la nature des faits dont BAROUX s’est rendu coupable, la presse de l’époque n’est pas autorisée à en diffuser les détails. Un court article est rédigé dans le journal l’Orléanais, pour relater les faits de cette journée de procès. Le Journal du Loiret publie exactement la même brève.
L’instituteur, alors âgé de soixante ans et un mois, échappe de peu à une peine de de travaux forcés, qui l’aurait envoyé dans un des bagnes coloniaux ou portuaires français. Aucune information ne permet d’identifier les jeunes écolières victimes de leur instituteur.
Eugène purge sa peine : Fontevrault puis Le Palais
Onze jours après son procès, BAROUX est de nouveau transféré. Il rejoint l’un des établissements carcéraux les plus durs du pays : la maison centrale de Fontevrault, dans le Maine-et-Loire. Son transport se fait par la voiture cellulaire numéro 9. Il y reste pendant six années. Il ne reverra jamais sa femme et ses enfants, restés dans le Loiret.
L’ancien instituteur est transféré par la suite à la maison centrale de détention de Belle-Ile-en-Mer, dans le Morbihan. Il y entre le 25 août 1866, pour y passer les neuf années de réclusion qu’il lui reste. En principe, Eugène Ferdinand BAROUX peut être libéré à partir du 5 juillet 1875. Mais il obtient une remise de peine d’une année, par décision impériale du 8 août 1868.

Registre d’écrou de la Maison Centrale de Belle-Ile-en-Mer – Archives Départementales du Morbihan – cote 2 Y 226

Registre d’écrou de la Maison Centrale de Belle-Ile-en-Mer – Archives Départementales du Morbihan – cote 2 Y 226
Finalement, Eugène Ferdinand BAROUX n’ira pas au bout de sa peine. Il décède à la maison centrale de Belle-Ile-en-Mer, le 22 avril 1871 à une heure du matin. Son acte de décès ne fait nullement référence au passé carcéral du défunt. Ce sont deux habitants de l’île qui viennent en mairie déclarer le décès: un journalier et un fruitier.
La famille reste vivre dans le Loiret. Lucien BAROUX, un des fils d’Eugène, devient d’ailleurs instituteur et s’installe dans le secteur de Pithiviers et Dadonville. Victoire NORET, veuve d’Eugène Ferdinand BAROUX, lui survit pendant une dizaine d’années, et reste vivre auprès de son fils instituteur. Elle décède à Pithiviers-le-Vieil le 18 octobre 1881.
L’iconographie en première page de cet article provient du journal l’Illustration. Cette gravure, de 1872, est l’oeuvre Frédérick Moeller.
Le dossier de la carrière professionnelle d’Eugène Ferdinand BAROUX est disponible aux Archives Départementales du Loiret, sous la cote 1T118.























Remarquable travail de recherches
merci pour ce moment de lecture
Voilà une enquête biographique menée tambour battant. Les Archives du Loiret semblent avoir conservé des dossier professionnels intéressants.
Merci David d’avoir partagé avec nous cette découverte.
Oui, j’ai vraiment un faible pour les recherches dans les archives des instituteurs et institutrices du XIXe siècle!