Il est des branches de son arbre avec lesquelles le généalogiste éprouve parfois une affection particulière. Cela peut être dû à son nom, son histoire, ses lieux de vie… Ce billet sera alors consacré à Pauline Bénigne MAISONNEUVE (1808-1884). Plutôt à son ascendance paternelle, qui vous le verrez, m’ont permis de m’échapper quelque peu de la Charente-Inférieure. On se situe ici sur une de mes branches paternelles, Pauline Bénigne étant la grand-mère de mon AAGM paternelle Alix Angélina METIVIER, que j’ai déja évoquée dans un article précédent. Je vous propose donc de remonter cette branche ensemble, génération après génération.
Pauline Bénigne, dernière MAISONNEUVE de mon arbre [GENERATION 1]
Pauline Bénigne nait le 8 juillet 1808, vers 22 heures, à Saint-André- de-Lidon, sans plus de précision sur son acte de naissance. Elle est la fille unique de Pierre MAISONNEUVE, alors âgé de 38 ans, et de Bénigne ROY ,28 ans, tous deux cultivateurs.
Cette fille unique demeure toute sa vie proche de son village natal. Elle se marie le 22 Avril 1828 à Saint-André-de-Lidon avec Jean METIVIER, natif de Montpellier-de-Médillan, avec qui elle a au moins cinq enfants :
- Marie Pauline (1829- ? ), mariée avec François DOUBLET
- Jean Emile (1831-1905), marié avec Marie Armance RICHARD
- Adeline (1834-1886), mariée avec Pierre MECHAIN
- Pierre Alexis (1836-1887), marié avec Zélida GRILLET, couple dont je descends
- Virginie Clara (1845 – ?), mariée avec Eugène Jean ROUDIER
Pauline Bénigne passera toute sa vie à travailler dans les champs et à s’occuper de ses cinq enfants. Chose intéressante, cette famille n’a, a priori, pas perdu d’enfant en bas âge. Son mari a, quant à lui, vécu quelques années du métier de charpentier, avant de se tourner vers le monde agricole avec sa femme, à Montpellier-de-Médillan, village qu’ils n’ont plus jamais quitté à compter de leur installation en 1830.
Elle devient veuve le 2 décembre 1859 et décède, à son tour, le 18 décembre 1884, à Rioux, probablement chez un de ses enfants. Elle sera inhumée le lendemain, le 19 décembre 1884 à Montpellier. Sa sépulture n’existe plus de nos jours, celle-ci ayant été relevée. Ainsi, une autre personne est enterrée à cet emplacement depuis 1932. Cependant, une plaque à l’effigie de Pauline Bénigne, gravée à même le mur d’enceinte du cimetière, atteste toujours de l’existence de la sépulture presque 140 ans après :
MAISONNEUVE, un patronyme présent dans la région pendant un siècle et demi
En faisant des recherches sur divers sites de généalogie, je me suis rapidement rendu compte que le patronyme MAISONNEUVE n’était pas très répandu dans la région. Aussi, les personnes qui en disposaient étaient, en grande majorité, originaires d’un même territoire, compris entre Cravans, Saint-André-de-Lidon, Montpellier-de Médillan, etc.
On est alors au beau milieu du cercle de mes racines familiales paternelles. Je veux parler de la région de Montpellier-de-Médillan, Thaims, Saint-André-de-Lidon, Cravans, Saint-Simon-de-Pellouaille et Rioux.
Remontons d’une génération : Pierre MAISONNEUVE et Bénigne ROY [GENERATION 2]
Revenons-en aux parents de Pauline Bénigne : Elle est la fille de Pierre MAISONNEUVE et Bénigne ROY. Le couple, dont les époux avaient onze ans d’écart, s’est marié le 3 frimaire de l’an XIV (soit le 24 novembre 1805) à l’Eglise de Saint-André-de-Lidon.
Pierre et Bénigne sont tous les deux originaires de Saint André : elle y est née le 16 mai 1780, tandis que son mari a vu le jour le 13 décembre 1769, au lieu-dit « Jorignac ». Pierre est le fils de Jean MAISONNEUVE et de Marie-Anne RYE. Ci-dessous son acte de baptême :
Le couple MAISONNEUVE / ROY demeure presque toujours à Jorignac. Pierre y exerce le métier de cultivateur puis, devient rapidement propriétaire. Il décède chez lui, à Jorignac, au début de l’été 1834, sa femme lui survivant durant vingt-cinq années. Bénigne décède à l’âge de 79 ans au bourg de Montpellier de Médillan, certainement auprès de sa fille, chez qui elle vit depuis au moins 1851, comme l’atteste l’extrait de recensement ci-dessous :
Jean MAISONNEUVE [GENERATION 3]
Continuons à remonter cette branche MAISONNEUVE en nous attardant sur l’acte de naissance de Pierre MAISONNEUVE en 1769. En effet, celui-ci comporte une information capitale. On y apprend que son père, Jean MAISONNEUVE, était tuilier au village de Jorignac. C’est la première fois que je rencontre cette profession dans mon arbre généalogique.
Son métier est une piste
Pierre ne connaitra son père que quelques années, puisqu’il décède en 1775, à Jorignac, à l’âge de 43 ans. Son fils n’avait que cinq ans. L’acte de sépulture est signé à deux reprises « MAISONNEUVE », ces personnes étant sûrement des oncles ou des cousins. L’acte précise une nouvelle fois le métier de « tuillier ».
Le métier de tuilier consiste à fabriquer des tuiles, utilisées pour la couverture de maisons et de bâtiments. Cette activité était parfois mêlée à celle de briquetier. Les briques et les tuiles avaient alors des procédés de fabrication assez similaires, employant un matériau commun : l’argile. Les maçons de toute la région s’approvisionnaient alors directement à la tuilerie pour leurs chantiers.
Son patronyme est une impasse
Décédé en 1775 à l’âge de 43 ans, cela situe la naissance de Jean aux alentours de l’année 1732. Son acte de mariage avec Marie-Anne RYE nous apprend qu’elle est originaire de Saint-André, et que Jean est originaire de la paroisse de Cravans. Pourtant, aucune naissance « MAISONNEUVE » à Cravans n’apparait dans les registres paroissiaux aux alentours de 1730…
J’effectue quelques recherches sur les tuileries et briqueteries en Charente Inférieure. Ainsi j’apprends que le village de Cravans possédait sa tuilerie-briqueterie, et qu’au moins une d’entre elle a continué son activité jusqu’au XXᵉ siècle. En me penchant sur le nom des rues du village, j’ai constaté l’existence d’une « Route de la petite tuilerie », ou bien encore d’une « Route du vieux four », soit des éléments qui me confortent dans l’intérêt de creuser cette piste.
Les semaines passent et je n’arrive toujours pas à percer le mystère du devenir de la famille MAISONNEUVE. Cette dernière ne semble pas avoir existé au-delà des années 1755, alors que je recherche une naissance aux alentours de 1730 ! Je trouve des mariages d’autres MAISONNEUVE, dans les années 1760, originaires de la paroisse de Cravans, mais les actes ne sont pas filiatifs (cela signifie qu’ils ne mentionnent pas le nom des parents).
La solution est dans les détails
Il ne me reste plus qu’à éplucher les registres paroissiaux de Cravans (heureusement disponibles en ligne) par ordre antichronologique, en vue d’inventorier tous les MAISONNEUVE et de reconstituer enfin cette famille ! Puis, je tombe sur un acte de sépulture qui retient mon attention :
Le dix huit du mois d’aoust mil sept cent soixante a été inhumé le
corps de Sébastien « chenevi » ?? Maisonneuve, âgé de soixante trois ans
ou environ, avec les cérémonies accoutumées en présence de Bernard THIRIAT
et Jean CHEFRET.
Que signifie le terme « chenevi » ou« cheveri », en plein milieu de cet acte de sépulture ? Peut-être un surnom ? Je garde cette piste de côté puis continue mes recherches afin de recenser tous les MAISONNEUVE du village. Ma collecte progresse peu à peu, jusqu’à retrouver un mariage, en date du 17 août 1729, qui va débloquer toutes mes recherches. Le voici :
Le 17 d’aout 1729 ont été reçus à la bénédiction nuptiale après la publication
du premier ban et la dispense des deux autres par monsieur de la Coré, vicaire
insinuée et controlée par les Sieurs Thomas LETOUT du seize du présent mois
sans aucune opposition ny empêchement, Sébastien DETCHEVERRY tuillier de
la paroisse de Sainte Pée diocèse de Bayonne, demeurant depuis sept ans dans la
présente paroisse et qui m’a remis son extrait baptistaire bien et duement
légalisé par monsieur …. Vicaire général de Monseigneur l’Evêque
de Bayonne, et Françoise PETIT de ma paroisse,
le tout après avoir satisfait à leurs devoirs catholiques apostoliques
et ce en présence de Pierre et Jean GOURDON, Jean MORINAUD, Pierre
RATIER, Pierre DE GROSSEMENDY, Pierre BEAUPRE, Pierre MAISONNEUVE.
REPERE Prieur Curé
Cet acte, plutôt lisible, célèbre l’union entre un certain Sébastien DETCHIEVERRY, tuilier de la paroisse de St Pée, dans le diocèse de Bayonne, demeurant depuis sept ans à Cravans, et Françoise PETIT, originaire de Cravans.
Les mots « Sébastien » et « tuilier » dans le même acte, me laissent à penser que j’avance dans la bonne direction ! Quant au patronyme DETCHIEVERRY, je trouve qu’il a une racine commune avec le mot non identifié de l’acte précédent : CHEVERI
Mon hypothèse se confirme alors quand je me mets la main sur l’acte de baptême de Jean DETCHEVERRY, fils de Sébastien DETCHEVERRY et de Françoise PETIT, né en 1732 à Cravans !
J’ai donc trouvé l’acte de naissance que je recherchais aux alentours de 1732. De rapides vérifications, en comparant les autres actes trouvés lors de mon analyse des années 1750/1760 de Cravans, me permettent de faire connaissance avec les trois autres enfants dans cette fratrie :
- Marianne MAISONNEUVE, 1731-1776, épouse de François MOULINEAU
- Sébastien (fils) MAISONNEUVE, 1734-1781, tuilier, époux de Marguerite GOMBAUD
- Pierre Martin MAISONNEUVE, 1736-1785, époux de Suzanne BERTAUD
Sébastien MAISONNEUVE = Sébastien DETCHEVERRY ? [GENERATION 4]
Mais alors pourquoi Sébastien MAISONNEUVE se fait-il appeler DETCHEVERRY, ou inversement ?
Son acte de mariage nous informe qu’il est natif de Saint Pée sur Nivelle, diocèse de Bayonne, dans les Pyrénées Atlantiques. On apprend également qu’il exerce la profession de tuilier. Egalement qu’il est arrivé à Cravans 7 ans avant son mariage, donc vers 1722. Ainsi, qu’est donc venu faire cet homme, à plus de 300 km de chez lui ?
Plusieurs questions auxquelles je vais vite trouver des réponses en furetant sur Internet. Tout d’abord, le patronyme DETCHEVERRY est bien d’origine basque, c’est indéniable ! Une analyse du patronyme sur Geneanet m’indique sa répartition géographique quasi exclusive dans le tiers ouest du département des Pyrénées-Atlantiques. Mais surtout, on apprend que DETCHEVERRY, en basque, provient du patronyme Etcheberry, Etcheverry, qui se traduit tout simplement par « maison neuve » en français.
Enfin, la région de Saint Pée sur Nivelle était réputée, à l’époque, pour ses terres argileuses (le long de la Nivelle, la Nive et du bas Adour) propices à l’activité de tuilerie – briqueterie. Les Basques détenaient alors, aux XVIe et XVIIe siècles, un réel savoir-faire en la matière, déclenchant même une vague d’émigration vers les régions bordelaise et charentaises. Sébastien DETCHEVERRY est de ces hommes qui ont tenté leur chance loin des leurs. A la recherche de nouveautés, d’aventures, ou pour des raisons familiales, il a quitté son pays basque natal pour s’installer à Cravans.
Je n’ai pas encore creusé ce sujet, mais je pense que Sébastien n’a pas tenté l’aventure seul. En effet, sur son acte de mariage, il y a deux témoins, portant un nom à consonance basque. Pierre MAISONNEUVE et Pierre DE GROSSEMENDY, qui ont très probablement émigré avec lui vers la Charente Inférieure. Sont-ils des amis ? De la famille ? Ce point reste encore à creuser.
Maintenant que nous avons une année de naissance approximative (décédé à environ 63 ans en 1760), je peux espérer retrouver sa naissance à Saint Pée sur Nivelle entre 1690 et 1700. C’est ainsi que l’on retrouve le 5 novembre 1695, l’acte de baptême de Sébastien DETCHEVERRY. Il est dit fils de DETCHEGARRAY Joannes et de DETCHEVERRY Gracianne. Les noms sont difficiles à transcrire sur cet acte de baptême. Mais les baptêmes d’autres membres de la fratrie permettent de bien mettre en lumière le patronyme des parents.
Naquit le 5e de novembre 1695 et fut baptisé le 6 du mesme mois
Sébastien fils de Joannes DETCHEGARAY et de Gracianne DETCHEVERRY,
conjoints. […]
Voici où s’arrête, pour le moment, cette lignée MAISONNEUVE / DETCHEVERRY dans mon arbre (lignée agnatique) ; mes compétences en paléographie arrivant à leurs limites. Quant aux spécificités de la généalogie en Pays Basque, j’ai encore tout à apprendre pour pouvoir espérer continuer mes recherches et faire évoluer cette branche.
Bravo pour cette recherche !
Raymond BARRIER
Merci Raymond!
Bravo David pour cette recherche, c’est impressionnant ! Cela montre bien toutes les capacités de recherche qu’est capable de réaliser un généalogiste pro
Merci pour ton message! Effectivement, il y en a pour plus longtemps de recherches que de rédaction de l’article!