Quatre-vingts années se sont écoulées depuis le débarquement libérateur du 6 juin 1944. De cette époque, il ne reste que peu de survivants. La plupart, encore vivant de nos jours, n’étaient que des enfants pendant la Seconde Guerre mondiale. Je vous présente le parcours d’une personne pas tout à fait comme les autres. Il fait partie de ceux qui ont combattu, et résisté à l’occupant. Hubert POUSSARD était un fils, un père, un époux. Son souvenir est rappelé chaque année.
L’environnement familial des POUSSARD
Hubert Armand POUSSARD voit le jour le 30 juillet 1913, dans le village de Loiré de Vérines, au nord de la Charente-Maritime. Il est le premier fils d’Armand Emmanuel Joanès POUSSARD, un cultivateur âgé de vingt-quatre ans, et d’Hermine Raymonde Irma LACROIX, vingt-et-un ans, sa femme. Nous sommes à la veille de la Première Guerre mondiale.
Le 2 août, son père est mobilisé. Il combat sur le front de 1916 à 1918, et survit à cette épreuve, puis retrouve femme et enfants dans la maison familiale de Vérines.
Hubert grandit dans un premier temps entouré de ses sœurs : Juliette nait en 1912, et Gabrielle en 1915 à Vérines. Après la guerre, la famille traverse le département et reste durant cinq années à Marsais, dans le canton de Surgères. Deux autres petites sœurs y naissent : Lucienne en 1920 et Yvonne en 1922. Ils déménagent ensuite, en 1924, à Lignate, un hameau de La Croix-Comtesse. C’est ici que naissent au moins deux petits frères : Raymond et Maurice.
La famille vit de la ferme familiale exploitée par Armand et Hermine. En 1827, Hubert a quatorze ans. Ses parents, sa grande sœur, et le reste de la fratrie posent devant l’objectif, afin d’immortaliser un beau cliché de famille. Armand et son fils aîné enfilent leur plus beau costume. Lucienne (en bas à gauche) et Yvonne (en bas à droite) portent le même ensemble vichy bleu et blanc. Ils ont d’ailleurs dû servir aux grandes sœurs quelques années plus tôt! Hermine porte son fils Maurice, un an, sur ses genoux.
Les recensements de 1931 et 1936 n’étant pas disponibles pour le canton de Loulay, il ne m’est pas possible, pour le moment, de retracer la vie d’Hubert par ce biais. Hubert a vraisemblablement travaillé en tant que domestique de ferme auprès de cultivateurs de la région.
Son parcours militaire
L’année 1934, c’est pour Hubert celle de ses vingt ans. Cet âge marque une étape obligatoire dans la vie d’un homme, le service militaire. La famille POUSSARD s’étant déplacée vers le village de Thorigny dans les Deux-Sèvres, au début des années 1930, Hubert est alors inscrit sur la liste du canton de Beauvoir sur Niort.
Il part pour le 131ᵉ Régiment d’Infanterie à Orléans, et arrive sur place le 20 octobre 1934 On lui attribue le matricule numéro 3804. La durée de son service militaire est d’un an. Il est alors envoyé en congés le 12 octobre 1935, et rentre chez ses parents dans leur minuscule village des Deux-Sèvres (104 habitants en 1936).
En mai 1936 et en janvier 1938, Hubert passe par les centres mobilisateurs d’Infanterie n° 121 et n° 94 d’Angoulême. Il y passe notamment son permis de conduire une automobile. Ces centres mobilisateurs, répartis partout en France, diffèrent suivant les corps d’armée (artillerie, infanterie, cavalerie, etc.) Leur rôle est d’organiser les troupes à une éventuelle mobilisation, et gérer le personnel de réserve.
Le rappel à l’activité a lieu le 27 août 1939, pour Hubert. Il est prêt à combattre pour défendre son pays. Il arrive le jour même à la caserne Gaspard-Michel à Angoulême. Elle regroupe les troupes du 107ᵉ régiment d’infanterie. Une semaine plus tard, le dimanche 3 septembre 1939, C’est la mobilisation générale. La France et le Royaume-Uni déclarent la guerre à l’Allemagne.
Je n’ai pour le moment pas de suite à donner au parcours militaire d’Hubert POUSSARD, au sein du 107ᵉ régiment d’infanterie. Sa fiche matricule semble indiquer qu’il a combattu uniquement dans ce régiment.
Hubert POUSSARD dans la Résistance
Le contexte en France
L’Allemagne lance, en mai 1940, une vaste offensive en Belgique et en France. La débâcle est totale pour les troupes françaises, qui sont très vite débordées. La population fuit les zones occupées : c’est l’exode.
Le 22 juin 1940, l’Armistice est signé entre la France et l’Allemagne. Cela marque la fin des combats entre les troupes des deux pays, qui ont fait presque 100 000 morts, et près de 1 850 000 prisonniers côté français. Le pays est scindé en deux : une zone occupée par l’ennemi, au nord et à l’ouest ; une zone libre, gouvernée par le Maréchal Pétain, et le régime de Vichy.
De retour du front, Hubert rentre vivre chez son oncle Lucien LACROIX, à Villeneuve-La-Comtesse. Quelques mois plus tard, il y épouse Marie-Madeleine MAYNARD, le 22 mars 1941. Ensemble, ils auront deux enfants : Liliane et Bernard.
Peu à peu, depuis l’armistice, des comportements d’insoumission individuels, puis de plus en plus organisés, apparaissent dans tout le pays, et particulièrement en zone occupée. C’est le chemin que suit Hubert, intimement persuadé que le combat pour la France doit continuer, coûte que coûte.
La résistance, au péril de sa vie
En 1943, Hubert s’affilie au maquis 18 de l’Armée Secrète, implanté dans la région de Saint-Jean-d’Angély. Cette unité est également appelée groupe « Jean BERNARD » Plus tard, ce groupe sera rattaché au 1ᵉʳ Régiment Bir-Hakeim.
Hubert participe activement à plusieurs opérations de sabotages dans la région. Les réquisitions allemandes sur les céréales se faisant de plus en plus régulières et importantes, les maquisards ont par exemple dû détruire ou saboter du matériel agricole. Des accrochages armés ont aussi eu lieu entre les résistants et l’occupant.
Le 10 août 1944, une rumeur persistante annonce les forces alliées aux alentours de Niort ! Les résistants, qui combattent avec leurs moyens, sans relâche, depuis des mois, y perçoivent l’espoir d’une libération rapide. L’euphorie est de mise dans les rangs français.
Dans la nuit du 12 au 13 août 1944, une centaine de maquisards se rassemble à Château-Gaillard, sur la commune de Juicq. Ce lieu, à la fois isolé et dégagé, doit permettre un parachutage de matériel et d’armes, qui n’aura finalement jamais lieu. La Milice Française repère ce rassemblement…
Le lendemain, le 14 août, aux alentours de 21 heures, une colonne allemande de deux cents Waffen SS, surgit et attaque Château-Gaillard. La grande majorité des maquisards parvient à s’enfuir dans la forêt environnante, pendant qu’un petit groupe d’une vingtaine de FFI (Forces Françaises de l’Intérieur) reste en couverture pour protéger le repli. Cinq résistants sont tués dans les affrontements, et treize sont faits prisonniers.
Parmi les FFI capturés, figure Hubert POUSSARD, qui a été blessé durant l’attaque. La Waffen SS n’avait pas pour habitude de respecter le droit international et le statut de prisonnier de guerre. Château-Gaillard est incendié, et les treize maquisards sont exécutés sommairement. Hubert est retrouvé mort, membres brisés, mains liées derrière le dos, dans l’allée du Château-Gaillard. Il avait trente-et-un ans.
Douze autres résistants ont été tués ce soir-là, lors de l’attaque de Château-Gaillard. Il s’agit de Maurice BANT, 24 ans, Julien BEAUCLAIR, 35 ans, Paul BOUFFARD, 31 ans René DIERAS, Georges DUPOUY, 25 ans, 34 ans, Roger GIRARD, 19 ans, Gaston GOBIN, 19 ans, Christian JALUZOT, 19 ans, Marcel K’MOISANT, 18 ans Roger LORENTZ, 20 ans, René MARTINEAU, 24 ans, et Louis PEYRE, 23 ans.
Cinq semaines plus tard, la grande majorité de la Charente-Maritime est libérée, hormis les poches de Royan et La Rochelle.
Le souvenir
Par sa participation à la Seconde Guerre mondiale, au sein du 107ᵉ Régime d’Infanterie, puis dans la Résistance contre l’occupant, Hubert obtient le statut de « Mort pour la France ». Son nom figure sur le Monument aux Morts de la commune de Villeneuve-La-Comtesse, où il était domicilié au moment des faits.
Dorénavant, une rue porte également son nom, à Villeneuve-la-Comtesse.
Les villages de Juicq et de Saint-Hilaire-de-Villefranche, ont chacun érigé un monument en souvenir des horreurs perpétrées à Château-Gaillard en août 1944.
Chaque année, des commémorations ont lieu à Juicq et Saint-Hilaire de Villefrance, le 15 août en la mémoire des victimes. Une cérémonie a lieu sur les monuments de ces deux communes, qui ont vécu des heures bien sombres pendant la guerre. Le nom d’Hubert POUSSARD, et des douze autres héros de Château-Gaillard, y est cité.
J’ai demandé une copie de son dossier militaire au SHD, le Service Historique de la Défense, à Caen. Le délai de communication des informations est de plusieurs mois. Je ne connais pas son contenu. S’il permet d’étoffer le parcours d’Hubert, j’effectuerai une mise à jour de cet article.
L’iconographie mise en avant pour cet article, provient de Barbara FAVREAU, Responsable documentation aux Musées d’art et d’histoire de La Rochelle.
Cet article est rédigé dans le cadre des ateliers blog de CLG Formation-Recherches. Le thème du mois de mai est : « un soldat de la Seconde Guerre mondiale».