Que serait Orléans sans sa magnifique Cathédrale Sainte-Croix ? Lieu de couronnement de plusieurs rois de France, elle a été construite au XIIIe siècle, sur l’emplacement d’une église bien plus ancienne, édifiée huit siècles auparavant par Saint Euverte, évêque d’Orléans vers 375. Il sera le sujet de cet article. Non pas que j’ai réussi à lui trouver des ascendants, mais nous allons plutôt voir comment son action a influencé la vie des Orléanais sur plusieurs générations et les traces qu’il en reste encore aujourd’hui.
Saint Euverte, son histoire, sa légende
Parlez de Saint Euverte à un Orléanais aujourd’hui et il vous parlera sans aucun doute du quartier de la ville ou de l’école portant ce nom. Mais qui était-il ? Quelle fut son œuvre pour la ville d’Orléans ?
Saint Euverte n’a laissé que très peu de traces dans les archives, puisque ses vitae, texte qui raconte la vie et les miracles d’un saint, n’ont été écrites que cinq siècles après sa mort. Ces deux écrits du IXe et XIe siècle nous permettent de mieux comprendre comment s’est construite sa légende.
Au IVème siècle, Aurelianum (ancien nom porté par la ville d’Orléans) se déchire pour l’élection d’un nouvel évêque. Saint Euverte, alors sous-diacre de l’Eglise de Rome, se rend en Gaule à la recherche de son frère et sa sœur, qui ont été enlevés des années auparavant. Passant par Orléans au moment de cette élection, il est invité à participer aux cérémonies. La légende raconte qu’une colombe le désigne comme évêque, en se posant plusieurs fois sur sa tête.
Elu Evêque d’Orléans, il réalise ou est témoin de plusieurs miracles et fait construire une cathédrale pour remplacer la précédente, devenue trop petite. C’est sur les vestiges de cet édifice, que sera construite au XIIIe siècle la Cathédrale Sainte-Croix. Il décède un 7 septembre, sans que l’on sache précisément l’année. C’est pourquoi la saint Euverte est fêtée chaque 7 septembre, sans qu’aucun évènement particulier ne soit organisé dans la région. Je n’ai d’ailleurs trouvé aucune archive relatant les festivités de la saint Euverte!
Euverte, un nom et un prénom à l’ancrage régional
Un prénom, transmis depuis des siècles
On retrouve quelques fois le prénom d’Euverte dans les registres paroissiaux ou l’Etat Civil. Ce prénom est très localisé dans le Loiret, le Loir-et-Cher et la Sarthe. Un coup d’œil rapide sur Geneanet, permet de voir qu’une recherche ciblée sur ce prénom donne environ 10 000 occurrences, dont plus de 6000 localisées dans un rayon de 100 kilomètres autour d’Orléans. Cela peut paraitre beaucoup, mais à titre de comparaison, une recherche sur le prénom Jean donne 246 millions de résultats !
Depuis le XVIe siècle, dans une France très majoritairement catholique, les prénoms étaient donnés selon celui des parents, des parrains et marraines. Et pour un peu d’originalité, ou pour des raisons qui sont propres à chaque famille, le prénom donné à son enfant devait être choisi parmi les prénoms chrétiens reconnus par l’Eglise.
Ainsi on trouve par exemple, dans les registres d’Etat Civil de la commune de Saint Jean de Braye, l’acte de naissance d’Euverte Jean Alphonse LIGNEAU, né le 16 janvier 1815, lui-même fils d’Euverte François LIGNEAU, et de Thérèse Eulalie GOUJON, et petit-fils d’Euverte LIGNEAU et Marie Madeleine DREUX.
« Le seize janvier mil huit cent quinze, pardevant nous Noël Augustin DESMUYS Maire de la commune de Saint Jean de Braye, arrondissement d’Orléans, département du Loiret, soussigné : Est comparu le sieur Euverte François LIGNEAU, vigneron demeurant en cette commune, lequel nous a déclaré que Thérèse Eulalie GOUJON son épouse est accouchée ce matin sur les sept heures dans son domicile d’un enfant mâle auquel il a donné les prénoms de Jean Euverte Alphonse. En présence et assisté de Jean Marc LIGNEAU vigneron âgé de vingt huit ans demeurant à Saint Marc d’Orléans et du sieur Jean Baptiste LANDRE du même état, demeurant au bourg et commune de Saint Jean de Braye, qui ont signé avec nous le présent acte après lecture faire, dit jour, mois au sus dits dont acte. Le dit LIGNEAU témoin a déclaré ne pas savoir signer »
Au sud d’Orléans, en novembre 1692 en la paroisse de Ligny-Le-Ribault, on retrouve l’acte de baptême d’Euverte DEMOY :
« Aujourd’huy 15 novembre 1692 a esté baptise Euverte fille de Euverte Demoy et de Michele Chaisneau ses père et mere. Le parein Toussaint Demoy. La mareine Etiennete Baston. Lesquels ont déclaré ne savoir signer. Dufour. »
Encore une fois, ici, le prénom est transmis de père en fils.
Un dernier exemple, encore un peu plus ancien, nous emmène au début du XVIIe siècle, en la paroisse Saint Liphard à Orléans. On trouve, le 7 juin 1607, le baptême d’Euverte CHARRON :
« Le septiesme jour de septembre mil six cent sept a esté baptisé Euverte fils de Jacques Charron et de Anne Boucher ses mère et mère. Ses parains sont Jehan Borde marchand libraire et Antoine Baudouin maître chapelier. Et sa maraine Germine Charron. »
La paroisse Saint-Liphard d’Orléans n’existe plus de nos jours. L’église qui se situait dans l’actuelle rue de Bourgogne, a été détruite au début du XIXe siècle.
Le nom EUVERTE, demeure très rare
Le patronyme EUVERTE est encore moins fréquent que le prénom, mais on en trouve quelques-uns. Geneanet indique par exemple 852 porteurs de ce nom, enregistrés dans leur base de données, ce qui est très peu. Jusqu’en 1800, ce patronyme était vraiment marginal, avec quelques petits groupes d’individus le portant dans le Loiret, Loir-et-Cher et Paris. Puis deux foyers se sont agrandis, à Paris et en Saône-et-Loire (71).
La branche EUVERTE de Sâone-et-Loire provient en réalité d’un loirétain, Théophile Jules Maximilien CIMETIERE, né le 28 février 1824 à Orléans. Après s’être marié en 1855 à Autun, il a demandé la modification de son patronyme en EUVERTE, ce qui a été accepté par le tribunal civil d’Orléans. (voir note en marge de son acte de naissance)
EUVERTE n’a pas été choisi au hasard, il s’agit du troisième prénom de son père, qui s’appelait Louis Théophile Euverte CIMETIERE. Et d’après l’article ci-dessous, il affirme porter ce patronyme depuis sa naissance.
Le processus a pris presque vingt ans. En effet, il a évoqué au ministère de la Justice la modification de son état civil en 1855 et le tribunal d’Orléans n’a rendu sa décision qu’en 1875.
Les traces du passé de Saint Euverte encore visibles aujourd’hui
Saint Euverte a, par son histoire et ses légendes, laissé une trace indélibile dans le paysage orléanais. Même si le prénom n’est plus vraiment à la mode, des monuments et bâtiments le rappellent sans cesse à la mémoire des habitants.
Tout d’abord, l’Eglise Saint-Euverte, à l’est d’Orléans, qui est le plus ancien édifice religieux de la ville après la Cathédrale Sainte-Croix. Celle-ci a été édifiée au IXe siècle sur l’emplacement du tombeau de Saint-Euverte, en son honneur. Plusieurs fois détruite, incendiée, reconstruite, puis transformée en salpêtrière (XIXe s.) et enfin restaurée, elle est malheureusement aujourd’hui en fort état de dégradation et fermée au public. Le site appartient désormais à la ville d’Orléans.
Adossés à cette église, une école et un pensionnat ouvrent dans les années 1880, et font la renommée de ce quartier, qui, tout à l’est d’Orléans, ne s’est pas développé aussi vite que le reste de la ville (plusieurs édifices religieux et scolaires, mais peu d’activité industrielle). Entre la fin du XIXe et le début XXe siècle, on pouvait y apprendre, entre autres, la menuiserie, l’école comprenant même un atelier et un laboratoire de chimie.
Aujourd’hui, l’école Sainte-Croix-Saint-Euverte demeure un ensemble scolaire catholique qui regroupe près de 3500 élèves de tous âges.
Outre cela, il reste à Orléans des vitraux à l’effigie de ce saint. Il est représenté deux fois à l’intérieur de la cathédrale Sainte Croix, et également sur un des vitraux de l’Hotel Groslot, lieu emblématique de la ville.
Vous le savez maintenant, Euverte était, et demeure une figure de l’Orléanais. Malgré le fait que sa fête ne soit célébrée, il a su rester dans les mémoires, au travers d’édifices religieux, ou encore au sein des familles, via le nom d’Euverte qui était donné aux nouveaux nés de la région. Et vous êtes désormais prévenu: si jamais vous croisez un ancêtre prénommé Euverte au cours de vos recherches généalogiques, il y a de très fortes chances que vous puissiez lui retrouver des racines dans le Loiret ou dans les environs!
Les actes de baptême et de naissance utilisés dans cet article, proviennent des Archives Départementales du Loiret.
Cet article est rédigé dans le cadre des ateliers blog de CLG Formation-Recherches. Le thème du mois de janvier est : « une fête religieuse »
Bonjour David,
Très bel article et très intéressant
Bravo
Merci Nathalie!
Pas évident d’écrire sur la vie d’un Saint, mais l’exercice est réussi, c’est une belle hagiographie. Si je croise un Euverte, je serais où aller chercher
Merci pour cet article. Ayant quelques aïeux dans le Loiret, je vais regarder d’un peu plus près leurs prénoms. On ne sait jamais…
Vos recherches sont passionnantes pour la loiretaine que je suis.
Merci pour votre message encourageant!