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Marie SAUNIER, son parcours de vie

Une fille de Saint-Georges, plus de trace dans les registres paroissiaux

Marie SAUNIER est une femme dont le parcours est somme toute assez identique à beaucoup d’autres vendéennes de son époque. Elle est née aux alentours de 1729, dans le village de Saint-Georges-de-Pointindoux, entre La-Roche-sur-Yon et la côte atlantique. Sa naissance ? Nous n’en avons a priori plus de trace aujourd’hui. Son acte de baptême ne figure pas parmi les registres paroissiaux qui ont été conservés jusqu’à nos jours. Ses parents ? C’est son acte de sépulture qui nous permet de les découvrir bien des années plus tard. Elle est la fille d’un couple de laboureurs : Jacques SAULNIER et Catherine ALLEAUNE.

De ses branches paternelles et maternelles, on ne peut pas en savoir beaucoup plus dans les registres paroissiaux. Hormis un maigre registre allant d’avril 1718 à avril 1720, les archives de la paroisse de Saint-Georges-de-Pointindoux ne commencent malheureusement qu’en 1762.

Extrait de la carte de Cassini, illustrant le village de Saint Georges de Pointindoux et ses alentours

Carte de Cassini, St Georges de Pointindoux – Gallica.fr

Un mariage, perdu dans les lacunes des registres

Elle épouse François HERIAUD, ou ERIAU, à la fin des années 1750 ou au début des années 1760. Leur acte de mariage fait partie, lui aussi, des nombreuses lacunes des registres paroissiaux de la commune.  Seules les archives notariales, consultables aux Archives Départementales de la Vendée, permettraient de mettre une date sur cet évènement. Marie SAUNIER s’est forcément mariée, la tradition catholique étant très marquée dans cette partie du royaume de France. Elle, si bigote, n’aurait manqué cet évènement majeur de la vie d’une bonne chrétienne pour rien au monde.

Carte postale ancienne illustrant le calvaire de la commune de Saint Georges de Pointindoux

Calvaire à St-Georges-de-Pointindoux – collection personnelle

Marie, sa situation en 1789

A la Révolution, Marie est âgée d’une soixantaine d’années. Elle vit toujours dans le même coin, mais a quitté son village natal pour s’installer un peu plus loin, à Saint-Julien-des-Landes. La métayère de la ferme de la Massonnière est veuve depuis 1784.

En effet, son époux, François HERIAUD est décédé à la ferme de l’Aumonière, à Martinet. Ils n’y habitaient vraisemblablement pas, puisque l’inhumation à Martinet s’est faite avec l’accord du curé GRIFFON de La Chapelle-Hermier. Le curé ne mentionne pas la présence de membres de la famille lors de l’inhumation. Seul le sacristain est cité. Une mort accidentelle dans le village voisin du sien pourrait expliquer que la famille ne se soit pas déplacée. A cette époque, on enterre l’après-midi les morts du matin, et le matin ceux de la veille.

Avec François, notre héroïne a eu deux filles. Marie, l’aînée, a maintenant vingt-cinq ans. Elle s’est mariée en juillet 1784, à peine un mois après le décès de son père.  Madeleine, quant à elle, vit à Saint-Julien-des-Landes depuis son mariage en 1788, avec Pierre René CHAIGNE.

Extrait de la carte de Cassini illustrant Martinet et les villages alentours

Carte de Cassini – Martinet et ses environs – Gallica.fr

Ses deux filles ayant quitté le foyer, Marie vit seule à la Massonnière. La métayère y cultive probablement son lopin de terre. Elle élève à coup sûr des bêtes : vaches, cochons, poules, remplissaient les basses-cours au 18ème siècle. Seule, elle est aidée dans sa tâche par un domestique, nommé BOURON. Vous et moi n’en saurons pas davantage sur lui.

La journée du 15 aout 1789

A l’été 1789, la France est secouée par la Révolution, qui bouleversera par la suite la vie et les institutions du pays. La région, elle, sera meurtrie à jamais par quatre années de guerre à partir de  1793.

Marie SAUNIER, la bigote, en marche vers Martinet

Marie, elle, est bien loin de tout cela. Nous sommes le 15 août 1789. Les moissons et autres récoltes sont quasiment terminées, la métayère peut prendre un peu de temps pour elle. Nous sommes samedi, le jour des vêpres à Martinet. La fidèle compte bien y assister. Elle en profite pour porter quelques légumes à une amie de longue date qui habite sur le chemin vers l’église.

Carte postale Ancienne représentant le village de Martinet, en Vendée, en prenant la route de Saint-Julien-des-Landes

CPA Martinet – Route de Saint-Julien-des-Landes – Collection personnelle

La journée est chaude, le temps est lourd, le ciel est menaçant.  Dans la moiteur de cette journée, elle empoigne son panier, se couvre la tête, puis rejoint son domestique et sa fille aînée qui l’attendent devant la ferme.

C’est avec un pincement au cœur qu’elle entame sa marche vers Martinet. Cela lui arrive souvent lorsqu’elle se rend dans cette paroisse. La peine causée par la disparition de son époux, cinq ans plus tôt, est toujours présente. Elle espère pouvoir se rendre sur la sépulture de François, si les conditions climatiques le permettent. Elle suit donc sa fille Marie et le sieur BOURON, jusqu’à l’église, pour ce rendez-vous religieux incontournable. Le trio part pour un peu moins d’une demie lieue de marche jusqu’au bourg (environ deux kilomètres et demi).

Trois paysans marchent dans un chemin. Les deux femmes tiennent chacune un panier.

La métayère, sa fille et son domestique, en marche vers Martinet – Illustration générée par IA

L’orage menace, il faut rentrer

En début de soirée, après l’office, Marie salue quelques connaissances dans le bourg. Bavardages et médisances sont bien sûr au programme. Le ciel s’assombrit de plus en plus. Les trois ouailles préfèrent ne pas s’attarder et prennent le chemin du retour.

Ce parcours champêtre traverse le bocage entre les deux villages : quelques enclos, puis des parcelles moissonnées de blé et de seigle, de part et d’autre du chemin. Le temps se couvre, le vent se lève. Le groupe presse le pas, pour essayer d’éviter la pluie. Marie, du haut de ses soixante ans, peine à suivre.

Rapidement, de gros nuages apparaissent, puis des éclairs au loin. La pluie commence à tomber. Heureusement, les trois paysans peuvent continuer de marcher à l’abri des  frênes, des charmes, des chênes et autres noyers qui bordent le chemin

Ils passent par-dessus le ruisseau, et empruntent le chemin du Gué des Noues. Le ciel, devenu sombre, laisse apparaitre des éclairs qui jaillissent au-dessus de la forêt. Les gouttes de pluie, de plus en plus fortes, fouettent leurs joues et leurs bras. Ils sont trempés jusqu’aux os. Ils préfèrent continuer plutôt que de rebrousser chemin.

Le drame, sur le bord du chemin

Soudain, dans un bruit assourdissant, un éclair zèbre le ciel. La foudre s’abat sur nos marcheurs, qui sont tous les trois projetés au sol, par la force de l’impact. Abasourdis, immobiles, ils restent au sol de longues minutes, jusqu’à ce que le domestique se relève en premier. Seulement sonné par ce qu’il vient de se passer, il accourt vers la fille, inquiet.

La jeune femme se relève péniblement avec l’aide du sieur BOURON, puis s’assoit au bord du chemin. Elle ressent des douleurs lancinantes au visage. Le visage noirci, la lèvre inférieure brûlée, elle s’est aussi blessée au crâne en tombant au sol. Elle peine à croire ce qu’elle vient de vivre.

Revenue à elle, elle accourt, en pleurs, vers sa mère, qui gît au milieu de la route, inanimée. Ses vêtements, en partie brulés et déchirés, sont éparpillés en bordure du champ. Sa fille a beau pleurer, crier, secouer sa pauvre mère de toutes ses forces, elle ne se relève pas.  Marie SAUNIER est morte, tuée par la foudre.

Une femme étendue au sol, morte. Autour d'elle, des lambeaux de tissus.

Marie SAUNIER, morte foudroyée – Illustration générée par IA

Tandis que Marie reste près de la dépouille de sa mère, le domestique, quant à lui, court jusqu’à Martinet prévenir les villageois et le curé.  La pluie cesse, l’orage est passé.

Le 16 août 1789, Martinet endeuillé

Le lendemain matin, le curé CHAUVREAU, de Martinet, obtient l’accord de Monsieur JOURDAIN le curé de Saint-Julien-des-Landes pour inhumer sa paroissienne, Marie SAUNIER. Lorsqu’il rédige l’acte de sépulture, le curé CHAUVREAU semble insister sur le fait que beaucoup de villageois ont assisté aux funérailles. Preuve que cet accident a ému la population locale.

Acte de sépulture de Marie SAUNIER, en date du 16 aout 1789, à Martinet, rédigé par le curé CHAUVREAU

Acte de décès de Marie SAUNIER à Martinet – 1789 – Archives Départementales de la Vendée

Sépulture de Marie SAUNIER, de la paroisse de Saint Julien des Landes

Le seize août mil sept cent quatre vingt neuf, a été inhumée

Du consentement de monsieur Jourdain, curé de Saint Julien des Landes

Au cimetière de martinet le corps de Marie SAUNIER de la dite paroisse de Saint

Julien, veuve de François ERIAU, décédée d’hier par un coup de tonnerre qui l’a tuée

Sur le champ, en se rendant des vêpres de Martinet à la Massonnière de Saint Julien,

Lieu de sa demeure, qui l’a tuée déjà dans sa paroisse à l’âge de soixante ans ou

Environ. En présente de Pierre CHENE l’un de ses gendres, de Louis DURAND son

Beau-frère, et Pierre PAPON son ami et beaucoup d’autres ses parents et

Amis qui ont assisté à sa sépulture et qui ont déclaré ne savoir

Signer de ce enquis. CHAUVREAU Curé de Martinet.

Après l’inhumation de Marie SAUNIER, le curé CHAUVREAU retourne à son registre. Il souhaite conserver une trace de cet évènement exceptionnel, pour la postérité. Il ajoute donc la « note d’un évènement tragique » à la suite de l’acte de sépulture.

Note au sujet d'un décès accidentel sur la commune de Martinet. Note rédigée par le curé du village, dans le registre de la paroisse.

« Note d’un évènement tragique » – 1789 – Archives Départementales de la Vendée

Note d’un évènement tragique

Le quinze aoust mil sept cent quatre vingt neuf, Marie SAUNIER

Veuve François ERIAU demeurant en qualité de métayers à la Massonnière

Paroisse de Saint Julien des Landes et se rendant la dite des vêpres de

Martinet accompagnée de sa fille aînée et d’un nommé BOURON son

Domestique a été atteinte d’un coup de tonnerre qui les ayant ………

Tous trois n’a fait aucun mal au dit domestique mais a blessé Marie

Eriau épouse d’un nommé DURAND et fille aînée de la susdite, l’a blessée déjà en

Plusieurs endroits à la figure et notamment à la lèvre inférieure, sans

Cependant que les plaies soient dangereuses, et a tué au même instant Marie

SAUNIER et mis en pièces tous les habillements dont on a trouvé des

Morceaux éparses à une assez grande distance les uns des autres. Ce triste

Evènement a eu lieu à l’entrée de la lande qu’on appelle La petite Lande

de la Veillonnière et on la trouvé au dessus de la dite Veillonnière lorsqu’on

passe par le chemin du Gué des Noues. CHAUVREAU Curé de Martinet

Marie rejoint alors son époux, cinq ans plus tard, au cimetière de Martinet, village où ils n’ont, semble-t-il, jamais habité. Alors que le début de sa vie reste enfoui dans les lacunes des registres paroissiaux, le curé CHAUVREAU nous a bien aidés. Bien lui en a pris ! Grâce à lui, nous en savons plus sur cette femme.

Bien entendu, une partie du récit que vous venez de lire a été romancé pour rendre cette histoire lisible. Mais toutes les informations données sont vérifiables aux Archives Départementales de la Vendée.

Cet article est rédigé dans le cadre des ateliers blog de CLG Formation-Recherches. Le thème du mois d’août est : « une catastrophe climatique ».

Les écrits du curé CHAUVREAU, sont accessibles sur le site des Archives Départementales de la Vendée

4 Commentaires

  • regis coudret dit :

    Bonjour David, Merci pour cet article. Il me touche car j’ai moi-même un ancêtre direct qui a été tué par un coup de foudre. Il faudrait qu’un jour je fasse quelques recherches à son sujet. En attendant, je suis toujours aussi impressionné par ce que tu génères comme image avec l’IA. J’aimerais bien
    que tu m’en dises plus à ce sujet. Pouvons nous en parler ? Bonne continuation. Régis

    • Merci Régis! Effectivement ça peut valoir le coup d’effectuer quelques recherches! Peut-être la presse locale, si le décès n’est pas trop vieux. Sinon, les registres paroissiaux peuvent, comme tu l’as vu ici, contenir de précieux détails sur la vie de nos aïeux!
      Pour l’IA, je te laisse m’appeler si tu souhaites que l’on en parle, sans problème!

  • AD DP dit :

    Merci pour ce partage. Pouvez vous me dire pourquoi vous qualifiez cette pauvre femme de bigote ? Je ne vois rien ici qui permette d’en juger ?!?
    Si vous avez des éléments, je suis preneuse
    Cdlt

    • Bonjour. Vous savez, à l’époque, qui ne l’était pas? La Vendée étant une région particulièrement marquée par la religion. Comme je l’ai écrit dans l’article, ces faits ont été romancés pour rendre l’histoire lisible. Je dois aussi donner quelques traits de caractère aux personnages. Quant au terme bigot, il ne faut pas y voir une image péjorative. Terme utilisé pour indiquer qu’elle porte son devoir de catholique très à coeur 😉

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